Espace à prendre
Avec des heures d'ouverture plus tardives, jusqu'à 22h les jeudis, la Fonderie Darling compte bien retenir les visiteurs plus longtemps dans ses quartiers. Et si cet objectif passait par l'aménagement d'une place publique? Pour l'été, le centre d'art a pris d'assaut le tronçon de la rue Ottawa où il se situe en confiant aux artistes Jocelyne Alloucherie et Jean-Paul Ganem la délicate mission d'occuper l'espace.
Le projet de Jocelyne Alloucherie tient sur le mur de briques d'un édifice en face de la Fonderie. Avec les deux photographies qui composent l'oeuvre Poussière3/Dust3, l'artiste reprend un registre visuel déjà exploré auparavant mais l'adapte au contexte extérieur par l'amplification généreuse des dimensions du support.Certes, hormis le format, l'intervention ne s'éloigne pas tellement du mode d'accrochage habituellement retrouvé en galerie. Toutefois, l'effet du motif photographié, des nuées en mouvement, a un impact saisissant. L'artiste, par un processus gardé sibyllin, a multiplié les couches granuleuses; partant d'une photo argentique, elle a ensuite fait intervenir du sable soufflé, puis des captures et des impressions numériques, mais pas de retouches avec Photoshop, assure-t-elle. Le grain photographique initial se trouve souligné par le motif ainsi que par le support final de l'oeuvre, une bâche commerciale.
S'ensuit un paysage abstrait qui ressemble à de l'écume, l'aspect d'une mystérieuse matière faite de particules cristallisées ou s'échappant en poudre légère. Contrastant avec la dureté du mur de briques, les deux images font plutôt écho aux nuages effilochés qui parfois traversent le ciel.
Jean-Paul Ganem, lui, est féru des interventions extérieures. S'inscrivant dans la foulée du land art, l'artiste français élabore des aménagements agricoles et végétaux. C'est lui, par exemple, qui a conçu le Jardin des capteurs (2000-02) dans la carrière Miron, projet qui consistait à réhabiliter par une composition florale le triste site d'enfouissement.
À la Fonderie Darling, Ganem récidive avec la seconde phase d'un projet amorcé l'année dernière. Ombre de Ville 2 applique en fait le concept de mur végétal développé en écologie urbaine. Ainsi, différentes espèces de plantes couvre-sol et rampantes garnissent des casiers d'aluminium, édifiant le long du mur un damier rafraîchissant. L'artiste a aussi étendu l'opération jusque dans la rue avec des bacs donnant à croître d'autres végétaux.
Les vertus d'un tel projet? Elles sont nombreuses, à en croire Le Jour de la Terre, l'organisme partenaire de l'aventure. En plus d'être esthétiques, les retombées sont environnementales, écologiques, sociales et économiques. Dans ce quartier où le béton règne en maître, les composantes végétales ont notamment un impact positif sur la température et la qualité de l'air. Le projet engendre donc des avantages directs pour les résidants.
Souhaitons que les visées exploratoires de la Fonderie n'en resteront pas là. Même les tables à pique-nique héritées de l'installation Monument de Mathieu Beauséjour ont trouvé dans la rue Ottawa une nouvelle portée. Jean-Paul Ganem sera en visite au Québec le jeudi 24 juillet pour rencontrer le public à la Fonderie Darling (17h-19h). Il présentera les aspects artistiques et technologiques de son projet. Notons aussi que Le Jour de la Terre tient des ateliers écologiques à 13h tous les mercredis en juillet et en août.
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Collaboratrice du Devoir
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Poussière3/Dust3
Jocelyne Alloucherie
Jusqu'au 31 août
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Ombre de Ville 2
Jean-Paul Ganem
Jusqu'aux premiers gels
Fonderie Darling
745, rue Ottawa