Financement - Les grands festivals s'unissent... contre l'Institut Fraser

Jean Charest, de passage à Montréal où il a assisté hier soir à un gala d’humoristes dans le cadre du festival Juste pour rire, était écouté attentivement par Gilbert Rozon.
Photo: Jean Charest, de passage à Montréal où il a assisté hier soir à un gala d’humoristes dans le cadre du festival Juste pour rire, était écouté attentivement par Gilbert Rozon.

Les timoniers des grands festivals montréalais ont tiré hier à boulets rouges sur l'Institut Fraser, qui a appelé à l'abolition des subventions gouvernementales accordées à leurs événements. Ils ont d'ailleurs reçu en fin de journée l'appui du premier ministre québécois, qui a réitéré son appui aux festival Juste pour rire, au Festival international de jazz de Montréal (FIJM) et aux FrancoFolies, en raison des retombées économiques générées par ces événements.

«Le débat [sur la question du financement public de ces festivals] a déjà été fait», a indiqué au Devoir Jean Charest, de passage à Montréal où il a assisté hier soir à un gala d'humoristes dans le cadre du festival Juste pour rire. «Le gouvernement croit beaucoup dans ces événements qui sont structurants pour notre économie. Bien sûr, il s'agit de fonds publics et nous devons revoir périodiquement les sommes allouées et nous assurer que les gens soient imputables. Mais nous ne remettons pas en question notre appui.»

Dans une lettre publiée hier dans La Presse, Jean-François Minardi, analyste aux politiques publiques du Québec et de la francophonie de l'Institut Fraser, estime pourtant que le temps est venu d'ouvrir un débat de fond sur le financement des festivals bien établis.

Tout en évoquant des données de l'Observatoire de la culture et des communications qui indiquent que 41,3 % du financement des festivals et événements culturels au Québec provient du secteur public, il demande également que les grandes messes estivales du jazz, de la chanson française et du rire voient leurs aides gouvernementales supprimées, écrit-il, puisque ces trois rendez-vous culturels pourraient très bien survivre uniquement avec des fonds privés, selon lui.

«Avec une telle analyse, l'Institut Fraser se ridiculise, a commenté Alain Simard, président de l'Équipe Spectra et maître d'oeuvre du FIJM et les FrancoFolies. Cette année, le secteur public a contribué pour 15,6 % au budget du Festival de jazz qui, par ailleurs, s'est autofinancé à 85 %. On est loin des chiffres avancés par l'auteur de cette lettre.»

N'empêche, pour M. Minardi, les budgets en croissance consacrés à la culture au Québec seraient difficiles à justifier alors que le gouvernement est incapable de «faire face à ses obligations dans les domaines de l'éducation, de la santé ou des infrastructures», écrit-il dans sa lettre d'opinion, tout en considérant que l'aide publique devrait être non récurrente et offerte uniquement durant les cinq premières années de fonctionnement d'un festival.

«C'est ridicule, a indiqué Gilbert Rozon, grand manitou de l'humour au Québec. Cet analyste cherche certainement à ce qu'on parle de lui. Son étude est incomplète et farfelue. Il y a des dizaines d'études sérieuses qui démontrent que chaque dollar investi par les gouvernements dans nos événements engendre sept à dix dollars en recettes fiscales. C'est de l'argent qui sert pour la santé, l'éducation ou les routes.»

Pour Alain Simard, la cible de l'Institut Fraser n'est d'ailleurs pas la bonne. «On parle des trois événements qui offrent une programmation gratuite dans les rues, dit-il. Contrairement aux festivals payants, ça attire beaucoup de monde», décuplant ainsi les retombées économiques, selon lui.

«Sans cet argent public, nous ne pourrions pas assurer de programmation dans la rue, ajoute M. Rozon, dont le festival est financé à 20 % par les deniers de l'État. Mais c'est sûr, si on suit la logique de M. Minardi, on pourrait aussi très bien supprimer le Grand Prix de Montréal, Télé-Québec et Radio-Canada pour économiser de l'argent.»

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