Un côté festif, un côté public

Une place des Festivals capable de se transformer en place publique grâce à des dizaines de jets d'eau enfouis dans le sol: voilà l'essentiel du concept d'aménagement dévoilé hier en grande pompe à Montréal. Le chantier du nouvel espace de flânerie et de fête, dans le quadrilatère vacant à l'ouest de la Place des Arts, a ouvert au printemps dernier et doit se terminer le 30 juin 2009, juste à temps pour la célébration des 30 ans du Festival international de jazz de Montréal.
Cet aménagement concentre la première phase du développement du Quartier des spectacles (QDS). Les étapes subséquentes, échelonnées jusqu'en 2012, prévoient la reconfiguration de l'avenue du Président-Kennedy et du boulevard De Maisonneuve en promenade (phase II); l'aménagement des abords de la rue Sainte-Catherine autour du Complexe Desjardins (phase III); la construction d'une esplanade autour de la rue Clark, à l'est de la Place des Arts (PdA), en conjonction avec la nouvelle Maison de l'OSM, elle aussi en planification (phase IV). Dans ce coin du QDS, les plans prévoient l'établissement de parkings souterrains (jusqu'à 600 places), d'une autre place pour des spectacles et d'une patinoire réfrigérée similaire au fameux Ice Rink du Rockefeller Center à New York.Une transformation complète
«Nous avons commencé la transformation complète de ce secteur de Montréal, a expliqué hier aux journalistes l'architecte Real Lestage, de la firme Daoust-Lestage, idéatrice de la mutation. Nous sommes en train de réaliser une grande salle de spectacle à ciel ouvert en plein centre-ville.»
Il a décrit sa future place-fontaine de huit hectares comme «la plus importante du genre au Canada». Les jets d'eau, à pulsion variable, seront éclairés en rouge et blanc, «pour imiter un rideau de scène» et non pas l'unifolié. Le revêtement du sol sera fait de matériaux nobles, dont beaucoup de granit bicolore.
Sur la maquette, la rue Jeanne-Mance rétrécit à trois voies et est carrément fermée à la circulation les jours de grands rassemblements. L'artère jouxte une nouvelle rangée d'arbres et des stands de services temporaires (nourriture ou souvenirs) masquant l'affreuse colonnade du Musée d'art contemporain de Montréal.
La jonction avec la portion ouest de l'îlot Balmoral se fait grâce à un terrain vert incliné menant vers la future Maison du jazz, elle aussi en préparation dans l'immeuble Blumenthal (rue Sainte-Catherine), et l'immeuble Wilder (rue De Bleury), toujours orphelin de projet celui-là. Les plans montrent deux immenses constructions au nord de l'îlot, histoire de bien fermer le quadrilatère, comme l'exige la norme traditionnelle d'aménagement d'une place publique.
Le chantier a déjà nécessité le déplacement de 50 000 mètres cubes de terre, dont une portion contaminée. La visite d'hier a également permis de constater l'insertion d'une immense salle électrique et mécanique en sous-sol. Ce relais aura son vis-à-vis de l'autre côté de la Place des Arts pour former les pôles centraux d'un vaste réseau souterrain de services de branchement high-tech pour les festivals.
Les plans dévoilent trois types de lampadaires, certains vraiment gigantesques pour bien éclairer les foules. Une grande oeuvre d'art haute de cinq étages complète la grand-place de Montréal. Les détails du concours national ou international seront dévoilés plus tard.
Au total, plus de 30 millions de dollars (sur les 120 millions du budget total du QDS) serviront à cette seule première phase. Les trois ordres de gouvernement financent le tout à hauteur de 40 millions chacun. Le dévoilement de la précieuse maquette a donc attiré le maire Gérald Tremblay, la ministre de la Culture Christine St-Pierre et son collègue du Développement économique Raymond Bachand, mais aussi le député de Lévy-Bellechasse, Steven Blaney, au nom du gouvernement fédéral. Ottawa, Québec et Montréal espèrent que leurs subventions serviront de levier pour attirer des investissements privés totalisant près de deux milliards à long terme. Le coup payant a réussi au Quartier international de Montréal, transformé en grande partie dans cet esprit d'épaule publique poussant à la roue privée.
D'autres constructions importantes vont bientôt compléter cette restructuration de la portion léprosée du centre-ville. D'ici 2012, le QDS devrait aussi accueillir une nouvelle permanence pour les Ateliers de danse moderne, une vitrine culturelle (à l'intersection Saint-Laurent et Sainte-Catherine), la salle de l'OSM mais aussi éventuellement un nouveau quartier général pour les Grands Ballets canadiens et cette Maison du jazz pour laquelle Québec fournit une dizaine de millions de dollars.
L'Équipe Spectra, derrière le FIJM, les FrancoFolies et Montréal en lumière (le festival d'hiver), semble d'ailleurs être le premier bénéficiaire de ce grand chambardement. Alors, le Quartier des spectacles est-il d'abord et avant tout le Quartier de Spectra?
La question fait tiquer Alain Simard, président de l'Équipe Spectra. «Tous les terrains vacants squattés en ce moment par les festivals vont éventuellement être occupés par des constructions d'ici dix ans, répond-il. L'ensemble du projet, d'ici quatre ans, va permettre de planifier le centre-ville et de prévoir des endroits publics pour les festivals, que ce soit ceux que j'ai fondés, Juste pour rire ou les quelque 80 autres festivals de Montréal.»
Bon joueur, Gilbert Rozon, président du Festival Juste pour rire, se réjouit des transformations en cours, lui qui a fait une sortie remarquée l'été passé contre «l'inertie» des gouvernements et de la Ville en particulier. N'empêche, son propre événement occupe davantage les environs de la rue Saint-Denis, plus à l'est, et les études du QDS ont bien montré que Juste pour rire avait sa propre logique d'occupation géographique dans ce secteur. «On va essayer d'occuper graduellement certains espaces dans le QDS en accord avec Alain Simard tout en gardant une présence rue Saint-Denis, dit Gilbert Rozon. Il faudra trouver un moyen d'établir un pont entre le Quartier latin et la PdA. Il y a de l'ouvrage et on travaille là-dessus.»