Festival international de musique haïtienne de Montréal - Cap sur Haïti... au coeur de Montréal

Luck Mervil, le parrain de l’événement, accompagné du chanteur montréalais Gage.
Photo: Luck Mervil, le parrain de l’événement, accompagné du chanteur montréalais Gage.

Enfin un vrai week-end de musique haïtienne en plein coeur de la cité, alors que le Festival international de musique haïtienne de Montréal (FIMHM) fera battre les tambours des 120 000 Haïtiano-Montréalais au même rythme que ceux des autres Québécois.

Le FIMHM? Un festival de rapprochement. Un véritable «nous» artistique. Et quelle programmation: 300 artistes rassemblés sur une même scène au parc Jean-Drapeau. Tabou Combo, la référence absolue du konpa, qui vient célébrer son 40e anniversaire. Du konpa nouvelle génération avec Carimi, T-Vice et autres pointures comme Djakout Mizik, Kreyol La, Krezi Mizik. Du konpa direct avec Michel Martelly, le garnement. Du konpa R&B avec Dola. De la musique engagée mâtinée de reggae avec Belo, une future étoile de la chanson francophone. De la musique rasin, du soul, du R&B, de l'afro jazz et des Montréalais à la tonne. À preuve: Luck Mervil, le parrain de l'événement, en plus de Gage, Steve K, Harold Faustin, Toto Laraque et j'en passe.

Mais la route est longue, puisque tous les artistes invités par le FIMHM viennent régulièrement se produire à Montréal devant un public reconnu pour sa ferveur exemplaire. Pour quelle raison ces trésors sont-ils confinés au nord-est de la ville? «C'est très rattaché aux médias, me lance Luck Mervil. Tu n'entends parler des Haïtiens que lorsqu'une petite gang de rue fait des niaiseries. Et une petite bagarre lors d'un concert est suffisante pour que les diffuseurs deviennent frileux. Comme si les spectacles de heavy métal se déroulaient toujours dans une atmosphère "peace and love". Notre festival est un événement familial très joyeux et bien sécurisé.»

En 2006, la première édition devait avoir lieu dans les îles mais, craignant le pire, la Ville a reculé trois semaines avant la tenue du festival. Les organisateurs ont dû se rabattre sur Laval, où ils ont attiré 18 000 personnes en deux jours dans une atmosphère complètement festive et sans le moindre grabuge. «Mais nous n'en voulons pas à la Ville. Ils ont fini par comprendre, nous ont réinvités l'an dernier et en une seule journée, nous avons reçu 16 800 personnes. Nous en attendons 30 000 cette année.»

Et qu'est-ce qui touche le plus Mervil dans ce festival? «C'est un gros "jamboree" avec plein de musiciens qui viennent de partout, mais qui n'ont pas la chance de se rencontrer souvent. Que ce soit en Haïti ou dans la diaspora, il n'existe pas beaucoup de festivals de musique. Il y en a bien un à Miami, mais je crois que celui de Montréal est le mieux organisé de tous.»

Plutôt que d'offrir son propre spectacle, Mervil profitera de l'occasion pour présenter les artistes et «jammer» avec eux. «J'ai joué avec plusieurs d'entre eux et chanté avec Shoubou, de Tabou Combo. C'est une véritable légende qui a tourné partout.» Tout comme ses collègues du Tabou: une formidable machine à danser. La véritable Compagnie créole. Et le groupe a suscité tellement d'engouement depuis 1968 qu'on surnomme affectueusement ses quatre membres fondateurs Shoubou, Kapi, Fanfan et Kof comme on dit John, Paul, George et Ringo et... Jagger. Ils y sont toujours et en sont fiers. Ils ont démarré à sept et seuls trois d'entre eux ont abandonné. Ils sont à la fois les Beatles et les Stones haïtiens. Les Beatles pour l'impact, les Stones pour la longévité et la pulsion constante. Une excitante réussite: plus de 40 albums, un énorme succès européen avec New York City dès 1975 et une résistance à toute épreuve.

En réaction au merengue dominicain, Nemours Jean-Baptiste avait créé le konpa direct en 1955, en ralentissant le rythme, en rendant le groove plus lascif, en s'abreuvant de l'esprit des conjuntos tipicos cubains, en créant une nouvelle rythmique avec tambour, cloche et batterie, en conservant les cuivres. Le konpa, sous toutes ses formes, allait supplanter tous les autres styles antillais jusqu'à l'avènement du zouk dans les années 1980.

«Nous sommes issus du courant des mini-jazz, qui était celui des jeunes qui, sous l'influence des Beatles, réagissaient contre Nemours Jean-Baptiste, réduisaient le nombre de musiciens, éliminaient les cuivres en faisant une musique à base de guitare, mais à la manière créole», explique le chanteur Yves Fanfan Joseph. «Par la suite, nous nous sommes toujours imprégnés du courant international. Installé à Brooklyn, nous avons créé le konpa funk inspiré de James Brown, puis nous avons introduit des cuivres à la Earth Wind and Fire. Le zouk des années 80 nous a fait mal, mais nous avons rebondi en insérant de la programmation. La nouvelle génération haïtienne nous a fait le même coup, mais on a intégré des jeunes. On associait alors le konpa à la dictature de Duvalier. Mais s'il est vrai que Jean-Claude avait créé son propre groupe de konpa, il ne fallait pas tout confondre. Sous Duvalier, nous avions écrit des chansons sociales en déguisant souvent nos textes, nous n'avions pas le choix. Puis, sous Aristide, on n'en avait que pour la musique rasin et le retour aux tambours. Mais nous avons survécu et nous réservons toujours des surprises. Par exemple, sur le prochain disque que nous lançons en octobre, nous proposerons un konpaton, mélange de konpa et de reggaeton.»

«Nous sommes issus du courant des mini-jazz, qui était celui des jeunes qui, sous l'influence des Beatles, réagissaient contre Nemours Jean-Baptiste, réduisaient le nombre de musiciens, éliminaient les cuivres en faisant une musique à base de guitare, mais à la manière créole», explique le chanteur Yves Fanfan Joseph. «Par la suite, nous nous sommes toujours imprégnés du courant international. Installé à Brooklyn, nous avons créé le konpa funk inspiré de James Brown, puis nous avons introduit des cuivres à la Earth Wind and Fire. Le zouk des années 80 nous a fait mal, mais nous avons rebondi en insérant de la programmation. La nouvelle génération haïtienne nous a fait le même coup, mais on a intégré des jeunes. On associait alors le konpa à la dictature de Duvalier. Mais s'il est vrai que Jean-Claude avait créé son propre groupe de konpa, il ne fallait pas tout confondre. Sous Duvalier, nous avions écrit des chansons sociales en déguisant souvent nos textes, nous n'avions pas le choix. Puis, sous Aristide, on n'en avait que pour la musique rasin et le retour aux tambours. Mais nous avons survécu et nous réservons toujours des surprises. Par exemple, sur le prochain disque que nous lançons en octobre, nous proposerons un konpaton, mélange de konpa et de reggaeton.»

L'histoire du Tabou est un véritable condensé de l'histoire musicale contemporaine haïtienne, dont toutes les composantes se dévoileront au parc Jean-Drapeau. À n'en pas douter, ce sera «tèt colé» entre Montréalais et Haïtiens de toute provenance.

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Collaborateur du Devoir

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