Alerte archéologique
Après l'alerte au saccage des sites archéologiques irakiens, la lutte s'engage contre le marché illicite des antiquités pillées qui en découle. Un archéologue de Bagdad propose d'instaurer une interdiction mondiale de tout commerce d'artefacts irakiens, rapporte le quotidien britannique The Guardian.
Bahaa Mayah, docteur en archéologie et conseiller du ministre irakien du Tourisme et des Antiquités, appelle à une meilleure coopération des gouvernements internationaux pour enrayer le problème du commerce d'antiquités volées «à sa source». Lors d'une rencontre entre experts américains, britanniques et irakiens au British Museum cette semaine, il a proposé d'interdire mondialement l'achat et la vente d'artefacts irakiens. Car ce marché se répand en Jordanie et en Israël avant d'entrer en Europe et aux États-Unis, ou s'étend à travers les États du golfe Persique, explique-t-il. Et jusqu'ici, c'est à l'Irak qu'on demandait de prouver que les objets venaient bien de son sol plutôt que de responsabiliser aussi les marchands d'art et les maisons d'encan des autres pays.Selon M. Mayah, bien que la destruction des sites archéologiques par l'occupation militaire se poursuive, le principal problème se trouve désormais du côté des fouilles illégales du sol irakien, berceau de l'humanité, dont plusieurs portions n'ont jamais été excavées.
«C'est sûr que, s'il n'y a pas de marché, il y aura moins de pillage», reconnaît Dinu Bumbaru, secrétaire général de l'ICOMOS, l'organisme-conseil de l'ONU pour les monuments et sites. Celui que Le Devoir a joint à Bucarest demeure toutefois sceptique à l'égard de cette mesure.
«C'est plutôt un acte de sensibilisation parce que, dans la plupart des pays, on n'a pas les moyens de faire respecter ce genre de loi», dit-il. Il rappelle que, même à Montréal, on a du mal à empêcher le pillage du cimetière Côte-des-Neiges. «On a beau travailler avec l'Angleterre, la France, les États-Unis, il faut surtout être plus conscient de la façon dont ce marché noir de l'art fonctionne... à l'échelle de la planète.»
Depuis l'invasion américaine en Irak en 2003, on n'a pas cessé de dénoncer la destruction massive des trésors archéologiques de ce pays. Les mesures de sécurité déployées par les forces occidentales ont notamment anéanti des parties importantes de l'ancienne ville de Samarra, l'ex-capitale du monde islamique, qui abrite l'un des plus vastes sites archéologiques du monde.
Les archéologues du monde entier tentent d'estimer l'ampleur du désastre, notamment à partir d'images satellites avant et après la guerre. Une Américaine de l'université Stony Brook en Irak, Elizabeth Stone, évalue l'étendue du saccage à 15,75 kilomètres carrés, soit un peu plus de 15 % du paysage archéologique, rapporte encore The Guardian. Le pillage d'objets et d'artefacts représenterait environ cinq fois la collection entière du Musée national de Bagdad.