La «Roymanie» n'a pas de frontières

Au Québec, être star signifie souvent briller au firmament local. Hormis Céline Dion, peu de vedettes ont à leurs trousses paparazzis et groupies en délire. Mais pas Roy Dupuis, qui jouit d'un réseau international de fans assidus, dont plusieurs s'apprêtent à mettre le cap sur Montréal pour admirer le retour sur les planches du ténébreux Michael de La Femme Nikita.
Difficile de s'imaginer que jusqu'en Russie, des internautes clavardent des moindres faits et gestes de Roy Dupuis, échangeant leurs commentaires sur ses dernières prestations à l'écran, ou s'attristant de la récente disparition de sa mère. Ceux qui ne maîtrisent pas l'alphabet cyrillique en seront quittes pour visiter un des nombreux autres sites en espagnol, en japonais ou en anglais où la vie et la carrière de Roy Dupuis sont étalées dans le menu détail, où les «royettes» (sur royettes.com) s'activent et s'extasient à coup de clavier sur les forums de discussion.Roy Dupuis alimente un phénomène de célébrité inédit au Québec pour un comédien. Alors que la pièce Blasté de Sarah Kane prend l'affiche ce soir à l'Usine C, la vente des billets bat son plein, et des dizaines de fans des États-Unis et d'Europe s'apprêtent à venir voir le retour sur scène de leur égérie, qui jouera pour la première fois aux côtés de sa conjointe, la comédienne Céline Bonnier. La dernière apparition de Dupuis sur les planches remonte à 1994, dans la pièce The West, de Sam Sheppard.
«Sur ma liste de discussion personnelle, je suis au courant du fait qu'au moins une vingtaine de mes membres se rendront à Montréal dans les prochains jours pour voir Blasté, la majorité venant des États-Unis, mais aussi de Hollande», a soutenu Maxine Cunnwgham, qui gère le site de discussions amisparroy.com, depuis Oklahoma City.
Selon celle-ci, la notoriété de Roy Dupuis est planétaire depuis la diffusion à grande échelle de la série à succès La Femme Nikita, où Roy Dupuis incarne un ténébreux agent antiterroriste au sang-froid imperturbable. La popularité de cette série a donné lieu à la création de dizaines de sites et de forums de discussion liés à Nikita ou spécifiquement à Roy Dupuis, tant aux États-Unis, au Japon qu'au Brésil, recrutant des fans des cinq continents, y compris d'Australie. Dans le lot, on trouve même un site en grec et un autre en russe, où l'on adresse à Roy, en français, ses plus sincères condoléances à la suite du décès récent de sa mère.
«Tous ces gens sont en contact avec tout ce qui se passe dans la vie de Roy par Internet, et certains se rencontrent même à l'occasion d'événements particuliers, comme les premières de ses films ou des événements organisés par la Fondation Rivières», soutient Mme Cunnwgham, qui est même devenue la responsable des campagnes de financement de la Fondation Rivières, un organisme sans but lucratif cofondé par Roy Dupuis, Michel Gauthier et Alain Saladzius, pour protéger les plus belles rivières du Québec.
Cette constellation de fans est d'ailleurs précieuse pour la Fondation Rivières. En effet, pas moins de 70 % des fonds recueillis par l'organisme proviennent des fidèles de Roy Dupuis. «Pour eux, donner à la fondation, c'est comme faire un cadeau à cet acteur qu'ils admirent autant pour sa conscience sociale que pour son talent», soutient Mme Cunnwgham.
Deux fois par année, la Fondation Rivières tient d'ailleurs à Montréal des encans où convergent des dizaines de fans pour s'arracher des objets et photos autographiés atteignant parfois des prix exorbitants. Selon Michel Gauthier, photographe officiel du comédien et coprésident de la Fondation, une statuette gagnée par Roy Dupuis au dernier Festival des films d'Halifax pour son rôle du général Roméo Dallaire dans Shake Hands With the Devil, a été emportée pour pas moins de 20 000 $.
«Quand les fans sont là, il y a un effet d'entraînement! En plus, ça leur permet de le rencontrer et de monter sur scène avec lui», explique M. Gauthier.
À chaque conférence de presse à laquelle assiste Roy Dupuis, les photographes des principaux quotidiens sont contactés pour céder leurs photos à la Fondation Rivières, qui les revend au plus offrant lors de ces événements semestriels. À ces soirées, des photos autographiées se sont parfois envolées pour 2000 $ et 3000 $ pièce, même si la plupart peuvent être acquises pour environ 350 $. Tout y passe: DVD autographiés, trames sonores de films, affiches de films signées de la main de Roy, bref tout ce qu'un fan peut vouloir ajouter à sa collection.
Cette Roymanie se vit aussi sur e-Bay où l'on trouve une foule d'articles offerts par des vendeurs de rêves, qui tentent de surfer sur la frénétique et lucrative popularité de l'acteur. On y retrouve même des exemplaires de l'édition du 10 mars du Devoir, où Roy Dupuis, couronné la veille d'un Génie à titre de meilleur acteur dans Shake Hands with the Devil, affichait un sourire éclatant à la une.
Car il faut dire que les mordus de l'acteur, né en Ontario et arrivé à l'adolescence au Québec, ont de la difficulté à mettre la main sur certains de ses films, peu distribués hors du Canada. Plusieurs se rabattent sur Amazon.ca, afin de rester en phase avec la carrière de cet acteur qui a quitté la peau du Michael de Nikita depuis 2001.
«Il y a un gros marché sur Internet pour les DVD de Roy, parce que plusieurs ne sont tout simplement pas distribués sur les écrans ailleurs. Mais nous trouvons toujours un moyen de rester informés de tout ce qu'il fait, notamment en consultant les journaux de Montréal!», soutient la fondatrice de amisparroy.com, qui a réussi à mettre la main sur l'affiche de Blasté en contactant Le Devoir.
Rencontres, premières, encans: les activités où convergent les fans sont légion. Parmi celles-ci, on compte même un cours d'initiation au français! Afin de mieux suivre Roy pas à pas...