Exposition - Vous avez dit: décoratif?

Souvent considéré comme un sous-art, une forme mineure d'expression, le décoratif occupe une place très controversée dans le domaine de l'art. Cette place est étudiée sous toutes ses coutures au Centre d'exposition de l'Université de Montréal, qui présente Décoratif! Décoratif? jusqu'au 23 mars prochain.
C'est par ce curieux et intrigant filon que le Musée des beaux-arts de Québec, idéateur de cette exposition itinérante, nous invite à découvrir une soixantaine des oeuvres de sa propre collection, la plupart ayant été réalisées par des artistes québécois ou canadiens.Présenté à travers le prisme du courant décoratif, ce parcours atypique rassemble d'abord les oeuvres de peintres modernes dont le travail a été nettement traversé par cette veine. On y regroupe les oeuvres d'Alfred Pellan, de Jean Dallaire, de Charles Daudelin, autant d'artistes qui, à certains moments, se sont inspirés de motifs et de textures propres à l'art décoratif, au même titre d'ailleurs que d'autres maîtres du post-impressionnisme, Matisse au premier chef, dont les toiles regorgent de clins d'oeil aux objets décoratifs, à la tapisserie et à d'autres arabesques.
Que ce soit dans Citrons ultra-violets ou Jardins verts, Pellan a multiplié les effets de relief et de trompe-l'oeil dans ses toiles à la fin des années 40. Cette approche lui a d'ailleurs attiré — tout comme à Matisse — des critiques assassines de plasticiens purs et durs qui ont parlé de certaines de ces oeuvres comme «d'une peinture jolie» au «mauvais goût charmant».
L'exposition explore ensuite le traitement décoratif de la surface chez plusieurs artistes, notamment dans les peintures du Vancouvérois Robbin Deyo et dans les oeuvres de Leopold L. Foulem, dont on peut voir une théière faite de treillis métallique et des céramiques inspirées d'anciens vases chinois. Dans un troisième volet, des oeuvres choisies du peintre Pierre Ayot, de Claudie Gagnon et de Danielle April utilisant des objets usuels comme source d'évocation illustrent l'apport de l'objet dans l'art. On note aussi le même élan pour le détournement d'objets chez la joaillière Josée Desjardins et surtout chez Anne Fauteux, qui insuffle à ses «bijoux-outils» une dimension théâtrale en les dotant de noms puissamment évocateurs comme Cage pour désir à fleur de peau ou Niveau pour main hyperactive.
Enfin, le visiteur boucle ce parcours par une incursion délibérée dans le kitsch décoratif, défiant la notion même d'esthétisme. Là, Foulem se joue encore une fois du beau dans I Love My Daddy et Richard Millette dans Vase chinois bachelier avec banane, un pastiche d'un vase de Sèvres, orné de faux cuir clouté aux accents sado-masochistes.
Bref, Décoratifs! Décoratifs? explore à fond toutes les avenues de ce thème imposé, exposant sous un jour inédit des oeuvres d'artistes connus tout en naviguant sur la mince ligne qui sépare parfois l'art avec un grand A de l'art décoratif.
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- Décoratif! Décoratif? au Centre d'exposition de l'Université de Montréal (2940, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, local 0056), du 19 février au 23 mars.