Spectacle - Conte documentaire en trois dimensions
Norman, de la compagnie 4D Art de Victor Pilon et Michel Lemieux, réussit l'audacieux pari de servir l'art du pionnier de l'animation Norman McLaren dans un très bel écrin dramaturgique, chorégraphique et technologique tout en équilibre.
La production multimédia s'avère un étonnant conte documentaire vivant, en trois dimensions, qui rend un touchant hommage au cinéaste d'expérimentation, qu'elle fait connaître au grand public. Le traitement tout en mouvement, très humain, avec une touche de merveilleux, est à l'image de l'oeuvre du maître. Comme pour son précédent cru, Anima, 4D Art trouve ici son créneau avec un sujet clairement défini à magnifier à travers la performance vivante et la technologie, qui servent bien l'imaginaire de McLaren.On entre dans l'univers de l'animateur par l'entremise d'un jeune danseur (Peter Troztmer, totalement engagé), passionné de l'oeuvre de McLaren, qui visite l'Office national du film où l'artiste a révolutionné un art balbutiant, de 1943 jusqu'en 1983.
Il y écoute des extraits d'entrevues qui prennent littéralement vie, alors qu'une galerie de proches collaborateurs du cinéaste défilent, projetés en 3D, pour livrer leur témoignage. Des archives audio du cinéaste lui-même complètent le tableau. Un peu plus tard, le danseur pénètre dans l'antre de McLaren, une pièce verrouillée d'où surgit toute la faune animée du créateur.
À travers le parcours du cinéaste, le danseur interroge sa propre quête artistique, mais surtout donne corps aux animations projetées dans l'espace ou sur des écrans de tissu en avant et en arrière-scène.
Si la dramaturgie qui articule Norman tient davantage du théâtre, la danse y est omniprésente. Elle accompagne l'animation, la dédouble parfois sans lui faire ombrage, à l'instar de la démultiplication des objets et personnages au coeur même de la démarche de McLaren. Le ballet de chaises qui prolonge A Chairy Tale (1957) en est un bel exemple.
La danse insuffle un nouveau sens aux animations abstraites en en faisant rejaillir avec force leur dynamique essentielle. Même ses Lines Horizontal (1962), ses Lines Vertical (1960) et ses Spheres (1969) se mettent à danser sous nos yeux. Après tout, l'animateur percevait chacun de ses films comme une danse.
La scène du film Neighbours constitue un moment poignant parce qu'elle révèle la dimension troublante que cache parfois la naïveté apparente de l'oeuvre du cinéaste. Juste avant la projection, celui-ci expliquait sa source d'inspiration: l'angoisse devant la guerre.
Peter Trotzmer porte admirablement le spectacle à bout de bras (voire à bout de corps!), en anglais et en français (avec un fort accent, mais qui prend un tour charmant). Pour une rare fois, un danseur se défend dans son jeu d'acteur.
Seul bémol: le léger agacement ressenti à quelques rares moments où la danse se fait illustrative et où le jeu prend un ton «didactique pour enfants». Rien, toutefois, pour gâcher le plaisir.
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Norman
Spectacle multimédia de 4D Art à la Cinquième Salle de la Place des Arts jusqu'au 15 décembre. Supplémentaires jusqu'au 21 décembre.