Imbroglio autour du sauvetage de la Bibliothèque Fraser-Hickson

Malgré les demandes répétées d'organismes de défense du patrimoine, aucune démarche n'a été entamée pour protéger l'édifice d'intérêt patrimonial abritant la Bibliothèque Fraser-Hickson (BFH), la plus ancienne bibliothèque publique de la métropole, sise dans l'arrondissement Côte-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce (NDG). Le maire de l'arrondissement se défend d'avoir laisser l'institution glisser vers une vente obligée (actuellement en négociation) et une réduction de ses services.

Dans une lettre adressée en avril dernier à Benoit Labonté, responsable du patrimoine à la Ville, et Micheal Applebaum, maire de l'arrondissement, l'organisme Héritage Montréal réclamait la citation de la BFH comme monument historique afin de reconnaître plus formellement sa valeur patrimoniale et lui assurer une protection de base. Cette citation aurait notamment permis à la Ville de recevoir de l'aide du gouvernement provincial pour mettre au normes, voire acquérir le bâtiment.

Le maire de l'arrondissement répondait hier au Devoir que la citation de l'édifice, qui lie le propriétaire à certaines obligations, aurait signé «la mort» de la bibliothèque, la Fondation qui en est propriétaire peinant déjà à entretenir l'édifice depuis sa fermeture en février dernier.

Ces propos «servent à excuser l'inaction des autorités dans le dossier», rétorque Dinu Bumbaru d'Héritage Montréal (HM). Si Montréal était à la hauteur de sa politique du patrimoine, qui se veut volontariste plutôt que passive et réactive, ça ferait longtemps que la Fraser-Hickson aurait été reconnue. Il faut sortir de la superstition démagogique disant que la citation est un frein au développement.»

Prise à la gorge

Fondée en 1885 grâce à l'héritage d'un philanthrope, la BFH a élu domicile dans NDG en 1959. Prise à la gorge par des frais d'entretien et de roulement que son fonds de dotation et les dons ne parvenaient plus à couvrir, l'institution a bénéficié de l'aide de la Ville (600 000 $) en vertu d'une entente triennale, de 2003 à 2006.

Faute d'une nouvelle entente, elle a dû fermer ses portes en février dernier et lancer au printemps un appel de propositions en vue de vendre l'édifice. Le président assure que l'acheteur avec qui il négocie actuellement entend préserver l'intégrité de l'édifice. Si tout va bien, la vente pourrait être conclue au début du mois de septembre. Mais si l'offre tombe, la vente à un promoteur qui choisira de démolir le bâtiment reste une option possible.

Michael Applebaum rappelle qu'il est engagé depuis plusieurs années dans un long processus visant à sauver l'institution. Les collections d'archives ont d'ailleurs été versées à Bibliothèque et Archives nationales du Québec sur la recommandation de la Direction des bibliothèques publiques de Montréal.

«J'ai travaillé très fort pour soutenir la Fraser-Hickson et trouver les 200 000 $ [pour l'entente triennale], fait valoir M. Applebaum. La Ville centrale devait l'intégrer dans son réseau, via un PPP [partenariat public-privé].»

«Pas sans un protocole précis», précise John Dinsmore, le président de la Fondation. Et ce protocole n'a jamais vu le jour à temps, soit avant septembre 2006, date limite pour aviser le personnel d'une éventuelle fermeture, regrette-t-il. Le maire estime plutôt que la Fondation a changé la nature du projet la liant à la Ville en cours de négociations. Imbroglio.

Reste que personne n'a répondu à HM ni à la demande du Conseil du patrimoine de réaliser une étude afin d'établir la valeur patrimoniale de l'édifice.

«Il y a non seulement l'architecture, explique Louise Letocha à propos de la BFH, mais également deux oeuvres d'art: une murale en céramique de Louis Archambault et une oeuvre du sculpteur Gordon Smith. L'étude patrimoniale est incontournable, parce qu'il faut qu'on connaisse l'état actuel du bâtiment et des oeuvres qu'elle contient.»

Le hic, c'est que la charge d'une telle étude revient en principe au propriétaire, déjà exsangue. Sauf «s'il y avait un processus engagé de citation», précise Mme Letocha, comme l'a demandé Héritage Montréal. Dans ce cas, «la Ville ferait cette étude, c'est sûr», indique la directrice du Conseil du patrimoine.

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