Chanson - La fête à «l'entremetteuse»

Vingt ans de passion pour la chanson francophone. L'événement sera souligné dans la joie mercredi soir prochain, alors qu'une foule d'admirateurs et d'amis viendront célébrer Monique Giroux lors d'une grande fête à la SAT, boulevard Saint-Laurent à Montréal.

Vingt ans de passion, d'abord au micro de CIBL-FM et ensuite à celui de Radio-Canada, mais également vingt ans d'une activité culturelle intense, à organiser des dizaines de spectacles (Le Cabaret des refrains) et de soirées en hommage à différents artistes, aux FrancoFolies et ailleurs, à rééditer les oeuvres oubliées, à défendre la chanson francophone sur toutes les tribunes.

«Je suis une entremetteuse», lance-t-elle en riant. Une entremetteuse qui adore découvrir et provoquer des rencontres entre les artistes. Richard Desjardins, elle l'a présenté alors qu'il était encore inconnu, en 1986 dans un festival de l'Union française. Pierre Lapointe, elle l'a soutenu sans arrêt, faisant entendre sur les ondes ses chansons avant même qu'il n'enregistre son premier disque.

Le carnet d'adresses de Monique Giroux est impressionnant. Tous les grands de la chanson s'y trouvent. Elle est du genre à appeler Juliette Greco chez elle pour lui souhaiter un bon anniversaire. Elle pouvait téléphoner à Nougaro pour lui lancer l'idée d'une collaboration avec Michel Rivard. Les auteurs la consultent, lui demandent des conseils, les vedettes établies comme les jeunots.

À ses premières années au micro, elle a beaucoup fait tourner les grands anciens, de Trenet à Brassens et de Mistinguett à Joe Dassin, pour les faire découvrir à la jeune génération. Encore fallait-il trouver le ton pour le faire. «Je mettais une chanson de Joséphine Baker après Jacques Higelin; pour moi, Joséphine Baker était quelqu'un d'assez punk. Écoute, elle chantait les seins nus avec des bananes sur la tête! C'est fabuleux, non?»

Des projets à la pelle

Elle est comme ça, Monique Giroux, elle est la première fan des artistes qu'elle fait entendre. Dans sa maison, elle accumule des milliers de disques et de livres. Elle n'est pourtant ni historienne ni archiviste. Elle n'a pas le temps de tout classer et est totalement branchée sur les courants actuels de la musique. «Adolescente, j'ai vu tous les shows d'Aerosmith, de Genesis, de Pink Floyd et compagnie. J'étais normale, quoi!» Chez elle, elle écoute très peu de chansons francophones. «Parce que les textes, je les écoute trop, et que la chanson ne peut être seulement une musique de fond, explique-t-elle. Chez moi, j'écoute plutôt des trucs en anglais, du jazz, du lounge.»

Son parcours est étonnant. Dans son enfance, il n'y avait que trois disques chez elle. Elle n'a qu'un diplôme d'études secondaires en poche. Mais dans son village d'Oka, elle s'est liée très jeune à une voisine qui lui a donné accès à la culture, qui lui a appris la beauté du mot juste, qui lui a fait connaître Ferré et Brel. Cette voisine, c'était Myra Cree, la grande voix de Radio-Canada, qui l'a prise sous son aile.

Pour le reste, «les chansons m'ont appris beaucoup de choses, dit-elle. Elles ont été mon cinéma, mes cours de philosophie; elles m'ont accompagnée parce que très jeune j'ai été confrontée à la mort de mes proches.»

Son émission Les Refrains d'abord, à la radio de Radio-Canada, est devenue, dans les années 90, l'ultime refuge de la chanson francophone, dans un univers où les mêmes succès populaires se répétaient du matin au soir sur les radios commerciales.

Aujourd'hui, Monique Giroux reconnaît-elle que son pouvoir d'influencer est grand? «Je n'aime pas le mot "pouvoir", je trouve ça dangereux, dit-elle. Mais je sais que je ne suis pas dangereuse: je milite pour la paix et le bonheur! Je suis forcée de constater que je peux promouvoir la carrière d'un artiste, pousser les ventes d'un disque... Je parlerais plutôt de responsabilité. Maintenant, j'assume mes choix, mes goûts et mes jugements.»

Avec son émission Fréquence libre à Radio-Canada, Monique Giroux est maintenant beaucoup plus engagée dans la promotion de la relève que dans la sauvegarde du patrimoine musical. «Mais dans les années 90, je ne pouvais pas faire une émission quotidienne avec ce qu'il y avait de disponible en musique contemporaine», fait-elle remarquer. La situation a-t-elle changé à ce point depuis 15 ou 20 ans? «Aujourd'hui, je pourrais ne diffuser aucune chanson d'avant 2001 sans aucun problème, tous les jours pendant une heure et demie.»

Car la nouvelle chanson française est fort riche, et la nouvelle chanson francophone se trouve en pleine renaissance, explique-t-elle.

«Cela tient à plusieurs facteurs. Il y a les facilités d'enregistrement. Il y a aussi une telle ouverture sur le monde, une telle accessibilité à toutes les musiques... Et puis, je remarque un immense besoin d'expression chez les 20-30 ans. Ils ont tellement besoin d'exister, de s'exprimer... Et au Québec, on sent une sorte d'énergie positive chez eux, un désir de travailler ensemble. Autre facteur: au Québec, on trouve beaucoup de producteurs indépendants, alors qu'en France, si tu n'es pas avec une major, oublie ça.»

À 43 ans, cette incontournable animatrice déborde de projets. D'abord, celui de préparer la grande histoire illustrée de la chanson québécoise, un volume pour lequel elle est en train de réunir une équipe et qui prendra la forme d'un beau livre, avec profusion d'illustrations, d'affiches, de photos inédites, de reproductions de textes manuscrits, de pochettes de disques, de billets de spectacles.

Elle travaille aussi depuis un an à un projet d'émission de télévision, un «show de variétés», dit-elle, qu'elle animerait. Nul doute que les auteurs-compositeurs-interprètes s'y précipiteraient. Car «les artistes me font confiance parce que je les respecte», conclut-elle.

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