Patrimoine - Encore des condos au carmel
Le monastère des carmélites de Montréal est de nouveau menacé par un projet de condos. La nouvelle proposition immobilière vise la construction d'immeubles de cinq, six et sept étages près du complexe conventuel, selon les informations obtenues par Le Devoir. Le site centenaire de l'arrondissement du Plateau Mont-Royal a été classé bien culturel en juin dernier par le ministère de la Culture et des Communications (MCC) après plus de deux ans de tergiversations autour d'un premier projet immobilier qui aurait défiguré le site.
«C'est du parasitage», juge Dinu Bumbaru, du groupe de défense du patrimoine Héritage Montréal. «Les carmélites ont accepté de ne pas capitaliser sur la vente de leur site, et d'autres vont maintenant en tirer profit.» La communauté religieuse avait en main une offre d'achat évaluée à 5,5 millions au moment du classement.«Nous veillons au grain», assure Yves Laliberté, à la tête de la Direction du patrimoine au ministère de la Culture. «Les volumétries des nouvelles constructions devront respecter celles du carmel.» Une aire de protection du bien culturel sera bientôt délimitée. Tout nouvel aménagement devra ensuite tenir compte de la présence du bien classé. Par contre, les fonctionnaires du MCC n'ont pas encore rencontré les promoteurs. Le chantier doit ouvrir au printemps 2007.
Le projet prévoit le remplacement d'immeubles industriels par des édifices déployés en forme de L autour des rues Henri-Julien et Maguire. La rue du Carmel passant devant le monastère sera prolongée vers l'est. Les quelque 180 nouveaux condos apparaîtront au sud de cette artère et ne longeront donc pas le jardin.
Les plans viennent de passer l'étape de la modification du zonage municipal, les terrains étant prévus pour des activités industrielles légères. Au cours des dernières semaines, les promoteurs ont accumulé 614 signatures de résidants (soit la moitié requise) pour appuyer la mutation de vocation vers le résidentiel. De nombreux citoyens du quartier souhaitent la disparition des entreprises de transformation de la volaille, qui empoisonnent la vie de quartier.
Lors d'une séance d'information à l'été, des voisins du futur chantier ont critiqué les effets des futures masses immobilières sur l'ensoleillement, y compris sur le jardin des religieuses. La communauté, elle, a fait savoir au Devoir qu'elle ne commenterait pas le dossier.
Ce monastère conçu pour une vingtaine de religieuses date de la fin du XIXe siècle. La communauté recluse voulait le vendre et déménager à l'extérieur de Montréal. Les défenseurs du patrimoine, dont la mairesse de l'arrondissement, Helen Fotopulos, ont tenté, en vain, de trouver une vocation communautaire au site jusqu'au dénouement par le classement.
«Il est honteux que Mme Fotopulos travaille à faire protéger le carmel une année et accepte, l'année suivante, un projet immobilier dans lequel les résidants vont pouvoir regarder les carmélites dans leur jardin», commente un résidant du secteur, membre actif de la Coalition pour la sauvegarde du carmel. La lutte de cet organisme fondé l'an dernier vise à contrer un projet immobilier à l'intérieur du site conventuel.
Le bureau d'arrondissement affirme que les plans actuels ne prévoient aucune vue directe sur le jardin des carmélites. «Si le ministère décide de créer une aire de protection, tous les projets immobiliers y seront assujettis», ajoute Michel Tanguay, porte-parole du Plateau.