Entrevue avec Germaine Mesténapéo - Une conteuse autochtone à la recherche de ses racines

Après avoir longuement tenté de défendre la parole des femmes au sein de la communauté innue de la Basse-Côte-Nord, Germaine Mesténapéo s’est tournée vers ses racines pour aider sa communauté à surmonter ses difficultés. Source: Pierre Trude
Photo: Après avoir longuement tenté de défendre la parole des femmes au sein de la communauté innue de la Basse-Côte-Nord, Germaine Mesténapéo s’est tournée vers ses racines pour aider sa communauté à surmonter ses difficultés. Source: Pierre Trude

Eva Ottawa, une Atikamekw de Manawan, a été assermentée lundi comme nouveau grand chef de la nation atikamekw. C'est la première femme de l'histoire récente des Amérindiens du Québec à occuper un poste politique aussi élevé. Pendant ce temps, la réserve innue de Pakua Shippu, sur la rive nord de la rivière Saint-Augustin, sur la Basse-Côte-Nord, a pour la première fois élu une femme, Mary Mark, comme chef de bande.

Ces élections récentes témoignent de la lente avancée des femmes dans les communautés amérindiennes du Québec. Un état de fait dont Germaine Mesténapéo, travailleuse sociale et conteuse innue, récemment invitée au festival de contes Contes en îles, aux îles de la Madeleine, ne peut que se réjouir. À travers ces élections, souligne-t-elle, on assiste à l'adaptation des cultures amérindiennes à la modernité.

«Mon grand-père était chef [...] et on lui demandait conseil. Il m'a dit que les anciens chefs étaient élus parce qu'ils étaient plus efficaces, ils étaient meilleurs à la chasse et ils savaient partager le pouvoir et faire survivre la tribu», dit la conteuse, originaire de Nutashquan (anciennement Natashquan), qui signifie d'ailleurs en innu «le lieu où on chasse l'ours». Mais les temps ont changé. Et depuis que les bandes doivent se soumettre aux règles du ministère des Affaires indiennes, la direction d'une bande requiert de nouvelles compétences. «La culture se transforme, donc les traditions se transforment», dit-elle. Après avoir tranquillement pris pied dans le monde du travail rémunéré, les femmes innues, plus scolarisées que les hommes, font leur chemin vers le terrain politique. «Les femmes sont plus scolarisées, donc plus conscientes et plus revendicatrices», dit-elle. «Aujourd'hui, quand une femme innue trouve un homme de son goût, elle dit parfois à la blague: "Je le ferais bien vivre, celui-là"», dit-elle.

Après avoir longuement tenté de défendre la parole des femmes au sein de la communauté innue de la Basse-Côte-Nord, à la société de communications attikamekw-montagnaise d'abord, puis au sein d'un organisme politique, Germaine Mesténapéo s'est tournée vers ses racines pour tenter d'aider sa communauté à surmonter ses difficultés. «J'étais en train de devenir désabusée», dit-elle. «Je prenais ma place comme communicatrice, mais sur le plan des négociations, les femmes devraient avoir autant de place que les hommes lorsqu'elles rencontrent les gouvernements. Parce que les femmes sont dans les maisons, les femmes s'occupent des besoins de base.»

En 2000, elle a fait un stage en muséologie et préparé une recherche sur le teueaikan, le tambour sacré innu, pour le Musée canadien des civilisations, recherche qui l'a aidée à préciser son identité. Dans les réserves, «les jeunes ont des problèmes de motivation et d'identité», constate-t-elle. «Ils ne sont pas scolarisés, donc ils ne peuvent pas se prouver qu'ils sont bons. [...] La majorité des jeunes hommes vivent cette problématique», dit-elle. Elle se rend alors compte que les membres de sa communauté sont en train de perdre le sens de la spiritualité autochtone, le sens de la valeur de la personne. «J'ai compris pourquoi on vivait dans des conditions économiques, spirituelles, culturelles et sociales atroces», dit-elle. Elle étudie en travail social et, au cours d'un stage, elle fait la rencontre de Louise Tanguay, originaire de Natashquan, qui compose des chansons sur la Côte-Nord.

Les deux femmes découvrent que leurs cultures sont complémentaires. Ensemble, elles se rappellent leur enfance. Et l'été dernier, elles ont présenté un spectacle au festival du conte Innucadie de Natashquan. «Moi, j'ai raconté la vie des Innus, et elle, la vie des Acadiens. Moi, je le faisais en innu et je traduisais. On racontait l'histoire du village de notre région. [...] On se remémorait nos souvenirs, je lui racontais comment mon grand-père me montrait une danse tandis que mon oncle jouait de l'accordéon. Louise chantait une chanson en innu et j'ai appris des chansons innues [que je ne connaissais pas]», raconte Germaine Mesténapéo.

Au cours d'une conférence donnée au Musée de la mer de Havre-Aubert, aux îles de la Madeleine, Germaine Mesténapéo a longuement parlé du teueaikan, ce tambour sacré qui accompagne les Innus dans leur spiritualité. Autrefois, seuls les hommes d'un certain âge, ayant rêvé trois fois au tambour, avaient le droit de l'utiliser. Mais là encore, les choses changent, et il arrive que les femmes reprennent le flambeau du teueaikan. On dit que ce tambour symbolise la survie. Peut-être continuera-t-il à jouer son rôle jusqu'ici.

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