Musées - Avec le temps

Photo Lieu historique national du commerce de la fourrure à Lachine
Photo: Photo Lieu historique national du commerce de la fourrure à Lachine

Il fallait en finir avec un discours qui tenait plus de l'aveu d'impuissance que d'une prise en charge découlant d'une responsabilité collective.

Retour en arrière, vers une époque pas très lointaine où l'on ne cessait de déplorer que le patrimoine d'ici — que ce soit à Montréal, dans la capitale ou dans les régions —, que les objets hérités du passé quittent la province pour se retrouver ailleurs, le plus souvent au sud de la frontière. Combien de fois n'a-t-on entendu dire que les encanteurs et brocanteurs de toute nature «vidaient» les campagnes, ratissant large, offrant toujours la possibilité de se débarrasser du «vieux» afin de pouvoir s'équiper en «neuf». Le boom économique de l'après-guerre aurait ainsi entraîné une dilapidation de l'héritage collectif.

Plus tard, à la sortie des années 1960, un autre constat s'est imposé. Le Québec, avec la Révolution tranquille, avait enfin accédé à l'ère moderne. Une des conséquences fut la fin de la prépondérance des institutions religieuses, entraînant une vague de fermetures successives, qu'il s'agisse de couvents, d'églises, de pensionnats, d'écoles. Pouvait-on alors admettre qu'il était acceptable de laisser aller tous ces objets — dédiés à des lieux de culte ou plus simplement à une utilisation profane — vers diverses décharges, sous prétexte qu'ainsi évoluent les sociétés?

Collectionner

Une prise de conscience s'imposait. Elle eut lieu. Un jour, la ville de Québec fut fière d'offrir, tant à ses citoyens qu'à ses visiteurs, aux pieds de ses murailles, un musée, celui de la Civilisation, comme à Hull il s'en est trouvé un autre, tout neuf, spectaculaire, celui des Civilisations. Montréal allait enfin suivre et le projet du futur Pointe-à-Callière fut finalement déposé. Le geste n'allait pas être isolé. Un Centre d'histoire allait s'y accoler. Ailleurs, les institutions religieuses allaient suivre: des gestes en ce sens furent posés, entre autres, par les Hospitalières et par les filles de Marguerite-Bourgeois. Le privé s'était déjà inscrit dans un tel mouvement, depuis que la Fondation Stewart-Macdonald s'impliquait dans le financement et la gestion du Fort de l'île Sainte-Hélène, comme il mettait aussi sur pied un Centre canadien d'architecture. Même des musées à vocation municipale, comme ce fut le cas à Lachine ou Saint-Laurent, se sont ainsi donné des vocations patrimoniales.

Un réseau était né et, aujourd'hui, Montréal est fier de proclamer que la ville compte 15 musées de cette nature. Et, avec un tel nombre, le regroupement peut être dit spectaculaire (même quand l'affirmation est faite en comparaison de ce qui se passe ailleurs en Occident). En dix ans, le visage muséal montréalais est devenu autre. Comme le dit un des acteurs du milieu, Jean-François Leclerc, l'actuel directeur du Centre d'histoire de Montréal: «Le 350e anniversaire de Montréal, un événement centré sur la commémoration, a été un déclencheur.»

Présenter

La vocation des musées s'est à la fin du dernier siècle radicalement transformée. Le lieu avait d'abord été un lieu d'entreposage d'objets, luxueux peut-être, artistiques ou culturels à coup sûr: il s'agissait d'abord pour les conservateurs des institutions de «conserver». Le lieu premier du musée était la réserve, dont quelques objets s'échappaient pour se retrouver dans des salles ouvertes au public. Ce qu'on a appelé la «démocratisation de l'art» — ce que d'autres ont identifié comme étant une commercialisation — a toutefois entraîné une refonte de l'institution. Il ne suffit plus d'exposer pour remplir son mandat. «On veut plonger les visiteurs dans une ambiance, nous dit ainsi Jean-François Leclerc, recréer des impressions visuelles, sensorielles, qui vont faire que les gens ont l'impression de communiquer avec l'atmosphère d'une époque et non pas seulement avec un objet.»

L'image classique du musée, un lieu où le fouillis serait le mot pour décrire l'organisation de l'espace, ne tient plus. La priorité est accordée à la communication, à la clarté dans les textes et les présentations, à la convivialité de salles ouvertes à tous. Car ces musées ont des publics divers: les gens du lieu, les gens venus d'ailleurs, que ce soit pour un séjour touristique ou dans une nouvelle ville de résidence. Le musée veut être une interface entre le présent et le passé, même dans ses manifestations les plus récentes. L'institution doit aussi mener son «juste combat» dans une ville où l'offre culturelle est abondante: les organismes publics, qui subventionnent, mesurent souvent la valeur des divers organismes qu'ils soutiennent à l'aune de la fréquentation.

Dans un tel contexte, il faut donc aller voir pour constater qu'à Montréal, les musées d'histoire remplissent, pour le plaisir de tous, dignement le mandat qu'ils se sont à eux-mêmes imposé. Ainsi, à la sortie du canal Lachine, il y ainsi aujourd'hui plus qu'une écluse...

Avec le temps, Montréal s'impose comme ville de culture.

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