Le potentiel coopératif comme solution à la crise du logement

Coopérative d’habitation Émile Nelligan
Photo: Fédération de l’habitation coopérative du Québec Coopérative d’habitation Émile Nelligan
Le directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec, Patrick Préville, n’hésite pas à s’exprimer publiquement au nom de ses membres pour mieux faire connaître l’important projet de société que propose le mouvement coopératif dans le but de transformer le secteur de l’habitation. Entretien avec un leader bienveillant qui veut faire changer les choses.

Au Québec, le secteur de l’habitation traverse à l’heure actuelle une crise sans précédent, et de plus en plus de voix réclament que des solutions innovantes soient envisagées par les pouvoirs publics, notamment en ce qui concerne l’habitation coopérative.

« Il est grand temps que le gouvernement reconnaisse que 5 % de logements communautaires au Québec, ce n’est pas suffisant, affirme Patrick Préville, directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ). Pourquoi ne pas viser 20 % et favoriser l’accès à plus de logements réellement abordables et accessibles ? Si on est prêt à dépenser 7, 8 ou 10 milliards de dollars pour une infrastructure routière, il me semble qu’on pourrait aussi investir dans l’habitation coopérative et ainsi soutenir un secteur névralgique de notre économie. Je suis convaincu que le retour sur ces investissements serait à la fois rapide et très positif pour notre société. »

Il ajoute que la FHCQ, loin de baisser les bras, ne se contente pas de revendiquer un soutien gouvernemental. « Nous sommes ambitieux et en constante recherche de solutions. Ainsi, nous travaillons présentement avec le Centre de transformation du logement communautaire pour mettre sur pied un grand projet de mutualisation des actifs immobiliers de nos membres. Notre fédération, dont l’actif est d’un peu plus de 1 milliard de dollars, considère que d’importantes équités hypothécaires sont actuellement en dormance. Ces sommes pourraient financer de nouveaux projets et donner un nouvel élan au mouvement coopératif. »

Une chose est certaine : la FHCQ entend s’impliquer dans cet ambitieux chantier à fort potentiel, en partenariat avec les décideurs de tous les paliers gouvernementaux.

Un concept d’habitation qui a fait ses preuves

Le mouvement coopératif en habitation du Québec a pris naissance à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, et il a été porté par des citoyens désireux de développer des milieux de vie axés sur l’entraide et le bien commun. Malgré son énorme potentiel, ce projet de société ambitieux est malheureusement resté inachevé. C’est devant ce constat que la FHCQ ressent le besoin pressant de réactualiser le concept même de l’habitation coopérative, qui a fait ses preuves depuis plus de 50 ans, et d’en promouvoir la pertinence auprès des pouvoirs publics.

« Je n’aime pas cette expression parce qu’elle est galvaudée, mais il faut changer de paradigme en matière d’habitation, insiste Patrick Préville. Nous devons cesser de voir le logement comme un bien matériel pouvant générer des profits et le considérer plutôt comme l’accès à un milieu de vie épanouissant. Un milieu de vie qui permet à l’humain d’envisager l’avenir et d’élever ses enfants en toute sécurité, de vieillir en paix et de s’accomplir en tant qu’individu. Le laxisme des autorités publiques en matière de logement, leur incapacité à faire respecter la réglementation – comme on a pu le constater dernièrement à Montréal – font en sorte qu’il faut se poser de sérieuses questions en tant que société, et changer radicalement notre façon de voir et de faire en matière d’habitation. »

Penser le logement autrement

Pour le directeur général de la FHCQ, penser le logement autrement, c’est avant tout adopter des mesures collectives, réglementaires et légales. Selon lui, ces dernières sont essen­tielles et devraient permettre d’interdire aux propriétaires d’immeubles d’offrir des logements avec des chambres sans fenêtres, de réglementer de façon plus musclée les Airbnb de ce monde qui enlèvent des logements aux gens qui vivent dans les villes et de refuser que des spéculateurs fassent des rénovictions ou des flips dans nos quartiers urbains. Dans le contexte actuel de crise du logement, il faut se montrer rigoureusement ferme sur le droit au logement.

Un souhait : démontrer que tous les citoyens ont tout à gagner lorsqu’ils peuvent se loger à moindre coût. « Lorsqu’on paie moins cher pour se loger, on peut mettre de l’argent de côté et devenir plus solide économiquement. Cela permet de construire une société plus heureuse et plus fière qui, à l’instar des modèles suédois ou autrichiens, prend davantage soin de ses enfants, est moins endettée et jouit d’une meilleure santé mentale et physique. Si on était en mesure d’offrir plus de sécurité et de tranquillité d’esprit à l’ensemble des contribuables québécois et canadiens, c’est toute la société qui y gagnerait. Il est temps que les pouvoirs publics considèrent les subventions au logement abordable et au logement coopératif comme un investissement plutôt que comme une dépense », assure Patrick Préville.
Photo: Fédération de l’habitation coopérative du Québec Patrick Préville, directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec.

En somme, les retombées du logement coopératif sont bien réelles. « Les coops représentent un levier économique et social important, puisqu’elles redonnent un pouvoir financier à leurs membres, favorisent la résilience des ménages grâce à un milieu de vie axé sur l’entraide et contribuent à former des citoyens plus engagés dans la collectivité », renchérit le directeur général de la FHCQ.

L’énorme potentiel de l’habitation coopérative

Le modèle coopératif répond aux besoins d’un nombre important de ménages québécois – familles, personnes seules, aînés – qui ont à cœur les valeurs collectives. Les coopératives d’habitation sont autogérées à 100 % par leurs membres et ouvertes à tous ; la propriété détenue par l’entité coopérative est un bien collectif, et chaque membre locataire assume une part des responsabilités de gestion. Les membres doivent prendre les bonnes décisions pour gérer efficacement les finances, l’entretien du bâtiment et la vie associative afin de veiller à ce que la propriété offre un milieu de vie sain à ses occupants et qu’elle puisse perdurer.

« Les habitations coopératives ne recherchent pas de simples locataires ; elles recherchent des membres actifs prêts à contribuer de manière concrète à la qualité de leur milieu de vie, précise Patrick Préville. Le développement de nouvelles coopératives d’habitation permet de renforcer le tissu social, voire le filet social, tout en constituant une solution pérenne à l’actuelle crise du logement. En fait, si les programmes de développement du gouvernement avaient considéré les habitations coopératives comme des entreprises d’économie sociale pouvant se développer et grandir, on ne compterait pas aujourd’hui 1 300 coops au Québec, mais peut-être 3 000, 5 000, voire 10 000. Nous aurions ainsi permis à ce modèle de se développer et d’atteindre tout son potentiel. »

Des actions concertées

En plus de vouloir changer la perception des décideurs publics à l’endroit des solutions coopératives en habitation, la FHCQ entend faire valoir le besoin de prioriser certains chantiers de construction liés au logement accessible et abordable. « Piloter un projet de société exige que les pouvoirs publics débloquent des sommes à la mesure de l’ampleur du problème, explique le directeur général. Présentement, ce sont vraiment des peanuts que l’on sert à un éléphant qui a drôlement faim. Les initiatives comme Accès-Logis, récemment remplacée par le Programme d’habitation abordable du Québec, ont permis de développer des milliers de logements coopératifs, mais un programme consacré aux coopératives d’habitation améliorerait grandement notre performance. Le gouvernement fédéral l’a compris et a mis sur pied un programme spécifique dédié au développement de nouvelles coopératives, assorti d’une enveloppe de 1,5 milliard de dollars. C’est la direction que, selon nous, le gouvernement du Québec devrait prendre. »

Pour en savoir plus ou pour adhérer à la fédération : fhcq.coop/fr


Notre mission : représenter et défendre les intérêts des coopératives d’habitation, les accompagner et les soutenir pour relever le défi de l’autogestion démocratique, et contribuer à leur développement.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir en collaboration avec l’annonceur. L’équipe éditoriale du Devoir n’a joué aucun rôle dans la production de ce contenu.

Pour en savoir plus sur Fédération de l’habitation coopérative du Québec